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Comment sortir la Grèce du carcan de l’euro ?

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D’un point de vue économique, il est évident que la Grèce doit quitter la zone euro. Dès l’origine, elle n’aurait même pas du en faire partie et aujourd’hui, son adhésion à la monnaie unique est une  absurdité tellement son économie a décroché par rapport au reste de l’Europe. Pourtant, la sortie de l’euro continue de susciter de nombreuses peurs et des incertitudes, ce qui explique en grande partie pourquoi si peu de gens en Grèce défendent ce scénario. Heureusement, moyennant un peu d’imagination, il se pourrait qu’il existe des solutions innovantes pour faire de la sortie de l’euro une réelle opportunité de changement pour le peuple Grec.

Article initialement publié en anglais sur Boiling Frogs

Certes, le cas de la Grèce est très compliqué. Après des années d’austérité, le pays est semble-t-il dans une impasse tant économique que sociale et politique. Et même si l’austérité a démontré qu’elle n’était pas a solution, les marges de manoeuvres semblent bien faibles tant que le pays est encore sous le diktat de la Troika.

En effet, malgré la poussée des partis anti-austérité lors des dernières élections en Europe, le problème demeure qu’il faudrait encore de long mois pour que l’Union Européenne troque l’austérité contre un véritable mécanisme de solidarité intra-européen, doté d’une union fiscale et de transferts entre les pays européens du Nord vers le Sud. Si tant est que les allemands y soient pleinement favorables…

Dans ces conditions, je pense qu’il est plus que temps pour les Grecs de ne rien attendre d’une Europe cassée qui n’a de toute façon jamais vraiment eu l’intention d’aider la Grèce.

Grexit: pas seulement une porte de sortie

Sortir de la zone euro élargirait le champ des possibles pour la Grèce. Non seulement la Grèce ne serait plus sous le joug des ordres de la Troika, mais de plus sa compétitivité serait restaurée presque du jour au lendemain. Sans oublier qu’en restaurant sa monnaie nationale, le pays pourrait enfin se doter d’une politique monétaire réellement stimulante dont les pays du Sud ont été privés avec la monnaie commune.

Déjà les banques s’y préparent, les allemands en acceptent l’idée, certains banquier centraux aussi. Seuls les grecs refusent toujours cette alternative.

Non sans certaines raisons. Tout d’abord, nombreux sont les grecs qui jugent que cette solution serait humiliante et constituerait un retour en arrière inacceptable. Deuxièmement, rien que d’évoquer l’idée agite de nombreuses craintes chez les gens : hyperinflation, effondrement du système bancaire etc. Enfin, une sortie de l’euro aurait de lourdes conséquences pour l’Europe tout entière. Pas sûr que les Grecs aient spécialement envie d’être responsables de cela.

Même si rester dans la zone euro est au moins aussi pire que les craintes évoquées, on peut comprendre d’une certaine manière que les Grecs y soient réticents. D’autant qu’il faut l’admettre, l’idée n’a rien de spécialement attractive: c’est techniquement compliqué, les incertitudes sont nombreuses, et les avantages attendus en retour restent hypothétiques.

Mais à mon sens, ceci est surtout du à un manque flagrant d’imagination. Les économistes et politiciens qui defendent le retour à la drachme n’ont pas beaucoup d’écho aujourd’hui car ils ne sont pas parvenus à dresser un scénario crédible et enviable de sortie. Heureusement, il n’y a pas de fatalité à cela.

Un certain nombre d’options inexplorées deviennent possibles lorsque l’on rompt avec les règles (f)rigides de l’eurosystème. En particulier, le rôle de la banque centrale dans un tel scénario est très peu évoqué. Etudions quelques unes des solutions radicales mais efficaces que le pays pourrait utiliser.

Recapitaliser les banques sans faire payer les contribuables

politique monétaire Grèce

Le problème de la stratégie de l’austérité n’est pas forcément les réformes. La principale erreur est de ne pas admettre qu’il y a trop de dettes qui ne peuvent pas être remboursées. A cause de ce déni, nous nous efforçons par exemple de renflouer des banques avec encore plus de dettes publiques.

Et bien sûr, ce sont les contribuables qui paient la note en bout de course (à travers le service de la dette).

Cela dit, si on laissait trop de gens faire défaut, nous aurions rapidement un effet domino dévastateur, au point que les banques finiraient par faire faillite. Et il faudrait les renflouer pour ne pas que les gens perdent leur épargne. Dans le cas de la Grèce c’est assez flagrant : personne n’investirait le moindre centime dans une banque aujourd’hui. La nationalisation devient alors ineluctable.

Mais, contrairement à ce que certains ignorant répètent à tout bout de champ, on a pas forcément besoin de prendre l’argent du contribuable pour saisir une banque publiquement. Avec une banque centrale pas trop indépendante, on peut tout à fair procéder autrement, comme le suggère cet article de George Kesarios :

(…) Disons que nous créons un fond spécial de facilité que nous appelons Le fonds spécial pour les mauvaises banques grecque (FSMBG).

Maintenant, disons que le FSMBG obtient un prêt de la banque centrale de Grèce de 80 milliards d’euros, que le Fonds injecte dans le capital des banques par une augmentation de capital. Les anciens actionnaires se voient ainsi liquidés, et le système bancaire entier est ainsi nationalisé.

Ca y est ! On a un système bancaire parfaitement sain et aucun centime n’a été piqué aux citoyens. En plus, le FSMBG en tant qu’actionnaire quasi-unique, récolterait ensuite de juteux dividendes de ce secteur bancaire sain qui peut maintenant se concentrer sur ses activités normales de financement de l’économie plutôt que de lutter pour se survie.

Evidemment, faire cela dans la zone euro serait impossible.

Ouvrir le secteur bancaire

Bien sûr on m’objectera que les banquiers resteront des banquiers… et que les politiciens resteront des politiciens. Ou dit autrement, vu les caractéristiques de l’oligarchie grecque au pouvoir, le risque que ce genre de politique se termine dans un joyeux bain de liquidités n’est pas à sous-estimer. (Mais ne faisons pas de cet argument le prétexte pour ne rien faire non plus)

Pour répondre à ce problème, une autre astuce pourrait être mise en place : l’ouverture du secteur bancaire à de nouveaux acteurs. L’arrivée de cette nouvelle concurrence serait autant de pression supplémentaire sur les épaules des banques traditionnelles de bien faire leur travail. Ainsi, l’aléa moral consistant à renflouer des banquiers irresponsables serait réduit.

Très concrètement, la Banque de Grèce pourrait offrir disons 100 licences bancaires à la société civile. Mais ces licences bancaire seraient spécifiquement dédiées à certains modèles de banques : banques mutualistes, tontines, ou même des startups de crédit en P2P. De plus, ces banques seraient sous étroite surveillance des autorités bancaires et leur activité devrait répondre à certaines contraintes :

  • Contribuer à l’économie locale
  • interdiction de spéculer sur les marchés
  • Interdiction d’accéder à d’autres financements que les dépôts (donc pas d’effet de levier)
  • Leur gouvernance et distribution des profits devront favoriser les déposants
  • Restrictions de taille
En plus de cela, on pourrait imaginer que le coût des moyens de paiement et les infrastructures techniques et informatiques seraient partagé entre toutes ces banques via une entité commune voire même la banque centrale elle-même, ce qui permettrait à ces petites  banques d’offrir à leurs clients tous les services bancaires classiques (CB, chéquiers) à des prix compétitifs.

De cette manière, le peuple grec aurait l’opportunité de migrer son épargne de banque, ce qui augmenterait la pression sur les acteurs traditionnels, que les autorités pourront laisser faire faillite si nécessaire. Et surtout, l’économie grecque serait désormais renforcée par un réseau de banques locales qui favoriseraient le financement de projets locaux et les besoins des petites entreprises. Et les gens auraient un meilleur contrôle de la destination de leur épargne, tout en bénéficiant d’une meilleure répartition des profits de celles-ci.

Renflouons le peuple (littéralement)

Cela ne vous suffit pas ? Voici une autre idée sur laquelle je planche depuis quelques mois.

Branchez votre imagination. Nous sommes le vendredi 17 aout 2012, 20h. Alors que personne ne s’y attend, le gouverneur de la banque centrale de Grèce fait un discours à la télévision publique, accompagnée du nouveau premier ministre.

Chers concitoyens,

Après consultation avec les parties prenantes, nous avons décidé de réintroduire la drachme comme monnaie officielle de ce pays. Ce changement s’opérera dès lundi.

Parce que tout le monde dans ce pays a souffert des mauvaises décisions des précédents dirigeants de ce pays, et parce que beaucoup d’efforts nous attendent encore, j’ai l’honneur de vous annoncer la mise en place d’une mesure exceptionnelle par la Banque de Grèce.

A partir de maintenant, tous les citoyens grecs résidant dans le pays disposeront d’un dividende mensuel de 180 nouvelles drachmes pour les adultes et 90 pour les enfants. Ce dividende sera financé par une injection annuelle de 20 milliards de drachmes par la Banque de Grèce.

Ce dividende vous sera versé à tous et à toutes sans conditions ni de ressources ni d’aucune autre sorte, et les premiers versements seront effectués dès le 1er septembre prochain afin de permettre aux familles dans le besoin d’acheter les fournitures scolaires pour la rentrée des enfants.

Cette mesure sera mise en place jusqu’en 2015, avec reconduction possible au delà, en fonction de l’évaluation des résultats de cette mesure et des perspectives économiques d’ici là. Le gouvernement et la Banque centrale ont décidé conjointement la mise en place de ce dividende afin de réduire la détresse financière parmi la population et de relancer l’économie nationale tout en garantissant la paix sociale. De plus, elle permettra au gouvernement de mener plus aisément les réformes nécessaires dont le pays a tant besoin.

Le temps des manifestations et des déchirements est terminé. Puisse ce dividende vous aider vous et vos familles à vivre mieux. Puisse ce dividende nous aider collectivement à reconstruire notre Nation. Vive la Grèce !

Ca semble fou, non ?

Peut être, mais n’empêche, réflechissez-y deux secondes. Donner de l’argent dans une certaine devise n’est-il pas le meilleur moyen pour que les gens utilisent vraiment cette devise ? Qui jetterait ce argent à la poubelle ? Parce que tout le monde aurait régulièrement des drachmes dans ses poches, cette nouvelle monnaie s’imposerait plus rapidement dans la société, marginalisant ainsi le marché noir en euro qui pourrait persister.

De plus, l’injection monétaire de 60 milliards de nouvelles drachmes pendant 3 ans (distribué par virement bancaire) ne ferait en réalité rien d’autre que de remplacer les prêts d’urgence dont ont bénéficié les banques privées jusque là, par l’utilisation des « emergency liquidity assistance » par la BCE et la Banque de Grèce. Autrement dit, cela n’augmenterait pas strictement la masse monétaire.

En revanche, cette injection viendrait en fait renforcer la solvabilité des banques, qui ont subi une fuite des dépôts bancaires, en grande partie à cause des grecs qui ont envoyé leur épargne à l’étranger par crainte de perdre leur argent ainsi que par opportunisme (si la Grèce sort de l’euro, leur épargne vaudra plus cher que la nouvelle drachme). En échange donc du versement du dividende, les gens qui essayeront de ramener leurs euros en Grèce devraient être fortement taxés (et le produit de ces taxes serviront à rembourser la dette extérieure libellée en devise étrangère).

On m’objectera également surement qu’une telle politique serait inflationniste. Je ne pense pas. Ca semble idiot à dire, mais le problème de la Grèce aujourd’hui est tout simplement que la plupart des gens n’ont plus d’argent, y compris d’ailleurs ceux qui travaillent. A cause de cela, les dettes sous le manteau augmentent, les entreprises perdent leurs clients, les gens pris à la gorge ne peuvent plus payer leurs impôts etc. La déflation (insuffisance d’offre monétaire) est la réelle menace, pas l’inflation qui, même si elle pointait le bout de son nez, serait toujours plus supportable avec un le bonus du dividende mensuel que sans.

L’injection de cette monnaie dans l’économie ne rajouterait pas de dette dans l’économie. Bien au contraire, avec ce supplément de revenu, les gens pourraient rembourser leur dette privée et payer leurs taxes. L’amélioration sensible de la situation financière des ménages casserait la spirale de la fraude et de la détresse financière. Et parce que cette mesure durerait plusieurs années, les entreprises, constatant une augmentation significative de la demande solvable dans le pays, embaucheraient de nouveau.

grèce crise solution

De même, avec de telles perspectives, les banques financeraient plus aisément l’économie, permettant aux entreprises notamment exportatrices d’investir pour augmenter leur production. L’entrepreneuriat et les activités socialement utiles seraient également encouragées par la mise en place de ce modeste (mais inconditionnel) filet de sécurité. Qui de surcroit ne nécessiterait presque aucune bureaucratie supplémentaire. Enfin, les réformes seraient plus facile à mener pour le gouvernement car les gens, libérés de la crainte du lendemain, ne se raccrocheraient pas à chaque bout d’acquis social dont ils profitent. La réduction de la sphère publique dans l’économie grecque pourrait se faire sans sacrifier la justice social et la solidarité.

Et enfin, n’oublions pas de signaler que ce dispositif serait par nature infraudable, puisque totalement inconditionnel…

Il est l’heure de trouver un plan B

Alors que de prochaines élections vont probablement avoir lieu en Grèce, il se pourrait qu’une fenêtre d’opportunité s’ouvre pour la Grèce. Alors que l’Europe se détourne lentement de l’austérité, il est temps de trouver la prochaine direction.

A cet égard, quitter la zone euro n’est pas seulement une porte de sortie pour la Grèce. En fait, il se pourrait bien que ce soit une opportunité unique de défonçer le mur dans lequel le Capitalisme fonce joyeusement. Si seulement nous osons regarder sérieusement les alternatives qui existent.


Article initialement publié en anglais sur Boiling Frogs

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